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Les dix premières pages :

Chapitre premier

Isabelle

Un bruit l'attira à la cuisine, un bruit de vaisselle brisée, elle se dit qu’Annie avait dû rentrer par le bus de quinze heures. Elle poussa la porte de la cuisine et se trouva nez à nez avec lui… Lui, le garçon au manteau… Au manteau en poil de chèvre… De chèvre afghane ! C'était la première fois qu'ils se rencontraient mais elle savait très bien qui il était. Elle avait déjà vu le manteau mais sans le garçon dedans, et alors, là, lui en chair et en os, c’était quelque chose !

Elle sentit son cœur qui s'emballait et la chaleur qui montait dans ses joues. C’est qu’Annie lui en racontait tellement à son sujet, depuis trois semaines ! Elle connaissait plein de choses sur lui, des choses fabuleuses, exaltantes, des choses dont elle rêvait le soir en s’endormant.

Tenant à peine debout, le garçon était cramponné à la porte, avec une espèce de brume dans le regard. Par terre, à ses pieds, il y avait une bouteille en miettes. En guise d’excuses et de présentation, il fit un petit signe de sa main libre et prononça lentement : « Je suis stone… ». Stone, elle ne savait pas ce que ça voulait dire, mais elle se doutait. Le mot lui sembla merveilleusement exotique, tout à fait digne de lui. Il avait de beaux yeux bruns, les cheveux aux épaules, souples et brillants, un visage fin, un air de fille. Dans sa tête, elle prononça son nom : Alexis

Elle, c’était Isabelle, étudiante. En droit. En théorie. Parce que, à la fac, elle n’y allait presque plus. Le droit, elle n’y comprenait rien, elle ne relisait jamais ses cours et la seule vue des polycopiés lui donnait des nausées.

Depuis qu’elle connaissait Annie, elle passait ses journées à traîner avec elle dans les rues brumeuses de Rouen. « Viens, on va zoner » disait Annie lorsque l'ennui et le gris assombrissaient trop douloureusement le petit appartement de la rue du champ des oiseaux. Elles allaient. Le froid ou la pluie les amenaient inévitablement vers le drugstore de la rue de l'hôpital ou quelque autre lieu enfumé et anonyme. Elles auraient pu causer, s'animer, faire des connaissances. Mais cela n'avait pas lieu, elles restaient enfermées, l'une dans sa timidité orgueilleuse, l'autre dans son désintérêt absolu du monde qui semblait tourner autour de sa petite personne sans jamais l'atteindre. Elles sirotaient silencieusement, Annie n'avait jamais rien à dire, sur rien. Isa demandait des dés et une piste de 421, ça donnait une contenance.

Isa se sentait engluée dans cette existence débilitante mais elle n'avait ni l'énergie ni l'audace d'en changer et elle préférait encore ça à la fac de droit. Là-haut, à Mont-Saint-Aignan, au milieu de ces fils à papa, ces enfants de notables, ces têtes de premiers de la classe, ces sympathisants d'Occident, ce ramassis de fachos, qui semblaient tous se connaître, elle se sentait mal.

Elle, ce qu’elle aurait voulu, c’est aller en sociologie, comme Cohn-Bendit, mais l’été dernier, elle s’était oubliée trop longtemps chez Mémé, à se prélasser dans le petit verger au fond du jardin, en lisant les aventures de Bob Morane. Elle s’était laissé dorloter par sa chère grand-mère, en rêvant aux îles sous le vent et aux déserts brûlants en se gavant de tartes aux prunes. À la rentrée, elle était arrivée comme une fleur à la faculté des Sciences Humaines, mais il n’y avait plus de place.

Alors, Monsieur Demorny, Papa, avait décidé qu’elle irait en droit. « Le droit, avait-il déclaré, ça sert toujours, on en a besoin tout le temps, partout, dans tous les domaines ». C’était sûrement vrai, puisque Papa l’affirmait, mais à présent, quand elle y pensait, ça la démoralisait de  penser que, quoi qu’on fasse, où qu’on aille, on trouverait toujours cette chose épouvantable sur son chemin. Elle avait laissé faire parce qu’elle n’avait pas d’autre idée que la sociologie. Et puis sa mère était pour le droit, à fond ! Elle disait : « Comme ça, elle rencontrera des fils de notaires au lieu de tous ces traîne-savates qu’on trouve en sociologie » et elle ajoutait que la sociologie, on ne savait pas au juste ce que c’était, c’était à la mode, mais peut-être que, demain, ça aurait disparu purement et simplement.

Sa mère, parfois, était une grande débile.

 

C’est comme ça qu’elle s’était retrouvée à Mont-Saint-Aignan avec les fachos. Et là-haut, personne ne s’occupait d’elle, ne la remarquait, elle n’existait pas, et c’était très dur pour une petite reine comme elle, et incompréhensible ! À moins qu’on lui ait menti, depuis le début, depuis toujours. Papa ne lui avait-il pas répété pendant dix-neuf ans et demi, et tous les jours que Dieu fait, qu’elle était la plus merveilleuse petite fille de la terre, qu’elle était supérieurement intelligente, et aussi très jolie ? Et cela n’avait-il pas été confirmé et alimenté par tout son entourage ? Et maintenant, elle commençait à se demander si tout cela était bien vrai, ou si elle n’était pas tout au contraire, d’une extrême fadeur, indigne d’intérêt et même assez moche. Souvent elle interrogeait le miroir, et elle voyait une blondinette aux joues roses avec une petite bouche bien dessinée. Son visage avait encore les rondeurs de l’enfance. Elle était fraîche, voilà ce qu’on pouvait dire en toute honnêteté. « Une petite Normande pur jus », pensait-elle sans enthousiasme. Elle se trouvait les yeux tristes, bleu gris, un peu tombants sur les côtés. Elle aurait voulu avoir « du chien », comme on disait, mais elle ne savait pas faire, elle ne connaissait pas les artifices.

Dans le temps, Maman la pomponnait avec des robes à dentelles, elle la coiffait en s’extasiant sur ses cheveux bouclés dont elle faisait des anglaises. Et Papa se pâmait en la voyant paraître. Depuis qu’elle vivait à Rouen, loin d’eux, elle pleurait souvent sur ce temps évanoui. En fait elle était carrément déprimée, il ne lui était jamais rien arrivé d’agréable dans cette ville.

C’est bien pour ça, aussi, que les histoires d’Annie sur le garçon au manteau en poil de chèvre angora lui avaient mis la tête à l’envers ! Et maintenant qu’elle l’avait devant elle, le fameux garçon, elle était comme une gourde, à le regarder vaciller sans savoir quoi faire. Il aurait fallu qu’elle dise quelque chose de spirituel, de piquant, de singulier, quelque chose qui montrerait bien qu’elle n’était pas la première venue. Mais ça ne sortait pas, ça bloquait, c’était toujours comme ça, elle avait peur de rater son coup, de dire un truc bête, alors elle ne disait rien du tout. Elle roulait des yeux ronds, devenait toute rouge et elle restait là, à sentir son cerveau qui bouillait, et son cœur qui faisait du cent-cinquante pulsations minute.

Il prononça : « Je peux m’asseoir ? ». Elle se précipita pour avancer une chaise, elle aurait bien voulu bien qu’Annie arrive.

Annie était sa colocataire, enfin si l’on peut dire, parce qu’Annie était très démunie. Elle n’était pas étudiante, ni employée, ni ouvrière, elle n’était rien du tout, elle se contentait d’être là. Elle vivotait grâce au petit mandat qu’un père mystérieux lui faisait parvenir depuis le Gabon où il était censé faire fortune. Avant d’habiter avec Isa rue du champ des oiseaux, elle squattait un peu partout, trimballant de-ci de-là ses deux seuls biens : un matelas en mousse et un radiateur électrique de marque Sirocco.

La présence d’Annie rafistolait un peu l’ego malmené d’Isabelle, elle se considérait comme son point d’ancrage, en quelque sorte sa bienfaitrice. C’était sûrement pour ça qu’elle avait pris une colocataire impécunieuse, un peu comme on recueille un chat errant, pour se sentir bienfaisante, et avoir une présence vivante et reconnaissante quand on rentre le soir, dans son petit logis. Et Annie, il y avait encore trois semaines, remplissait parfaitement son rôle. Isabelle avait de l'affection pour elle, souvent elle ébouriffait ses cheveux noirs et frisés en l'appelant « Bichon ». C'était amical et protecteur et ça signifiait bien la place qu'elle lui assignait dans sa vie. Dans l’appartement, la petite Annie ne tenait pas beaucoup de place, elle s’était fait un nid douillet et bien chaud, grâce au matelas dont elle s’éloignait peu, et au radiateur Sirocco, placé à un mètre d’elle.

Annie menait une vie végétative, toujours entre deux joints, taciturne et sous-alimentée. Et si son esprit, comme elle le disait, voyageait loin, son corps chétif, lui, se déplaçait peu, et furtivement. Elle ne coûtait pas cher, sauf en électricité, à cause du Sirocco.

L’existence monotone d’Isabelle, et celle ouatée d’Annie, s’animait un peu lorsque cette dernière recevait des visites. Elle donnait l'adresse de sa bonne copine à beaucoup de gens divers et variés, des semi-nomades comme elle, qui arrivaient seuls ou en petits groupes, posaient leur sac à dos et déroulaient leur matelas dans sa chambre pendant une ou deux nuits. Ces soirs-là, on faisait cuire une grosse gamelle de pâtes dans laquelle on vidait une boîte de concentré de tomate. Ensuite on mangeait par terre, en demi-cercle en face du matelas où trônait Annie, assise en tailleur, avec la casserole posée au milieu. Parfois quelqu’un grattait un peu de la guitare ou bien on écoutait en boucle la musique de Santana, de Deep purple et des Rolling Stones jusqu’au petit matin. Le calumet de la paix apparaissait tout de suite après les pâtes.

Isabelle faisait semblant, elle n’arrivait pas à fumer vraiment, elle trouvait le goût détestable, et puis, la première fois qu’Annie lui en avait donné, ça l’avait rendue malade. Pour ne pas être ridicule, elle en prenait une bouffée mais la recrachait tout de suite. Elle préférait renifler de la colle, c’était plus dans ses cordes. On se mettait contre un mur, on respirait dans le pot, à fond, jusqu’à ce que le mur commence à céder. Ça voulait dire qu’on était légèrement dans les vapes. Certains prétendaient voir des couleurs et des formes psychédéliques, mais Isabelle n’avait jamais vu ni ressenti rien d’autre qu’un léger étourdissement. Ça lui faisait honte et elle se disait que, décidément, elle ne réussirait jamais à accéder à ces états de conscience hautement désirés, célébrés par musique et la littérature. Jack Kerouac était son idéal et Carlos Castaneda son rêve, elle brûlait de visiter les indiens Yakis et de goûter à la petite fumée.

 

Trois semaines plus tôt quelque chose avait perturbé sérieusement l’ordonnancement de la vie. Après le passage du facteur, Annie avait quitté son grabat, s’était douchée, maquillée et habillée de propre. Quand Isabelle était rentrée du restau U, Annie n‘était plus l‘être amorphe qu‘elle connaissait mais une donzelle exaltée. Elle lui agitait une lettre sous le nez en tenant des propos désordonnés d'où il ressortait qu'un certain Alexis était rentré d'un long voyage et souhaitait la voir. Elle répétait comme un perroquet : « Tu pourrais me filer un ticket de bus ? C’est vachement loin et il fait pas chaud… Et faut que je me pointe dès que sa mère se barre, tu comprends ? ». Isabelle avait ressenti la morsure de la jalousie, sa protégée avait donc une vie en dehors d’elle, et il semblait bien que son cœur et aussi probablement son corps frêle appartenaient aussi à ce personnage dont elle parlait avec fièvre, et qui lui faisait écarquiller les yeux comme s’il s’agissait de Mike Jagger en personne.

Isabelle avait pris la lettre à l’écriture rapide et désordonnée, en avait lu trois lignes où il était question d’un retour d'Afrique. Puis elle était allée directement à la signature qui était illisible. Elle avait dit : « Il sait pas écrire, ce type ! Il doit avoir un nom à coucher dehors ! ». L’enthousiasme d’Annie n’avait pas été entamé, le ciel venait de s’ouvrir pour elle. Elle ne tarissait pas. Ce garçon-là, disait-elle, voyageait tout le temps, c’était un globe-trotteur, un aventurier, et puis, il était beau comme un jeune dieu, avec des fringues incroyables. Quand il revenait chez ses vieux, il ramenait des produits capables de vous envoyer au septième ciel en cinq secs ! Dès qu’il rentrait, il sifflait Annie et elle accourrait ventre à terre. Elle se pointait en l‘absence des parents, et ils baisaient comme des lapins dans tous les coins de l’appartement en regardant la télé, en fumant des joints, et en sifflant les bouteilles d’apéro. C’était le bonheur !

Annie avait pris le ticket de bus et filé dare-dareIsabelle était restée songeuse. Jamais elle ne l’avait vue excitée comme ça. Des garçons, il en était pourtant passé des dizaines dans la chambre d’Annie, et Isabelle, bien que peu instruite des choses du sexe, se doutait qu’ils avaient partagé sa couche, mais elle ne voulait rien en savoir. Même en cas de surpeuplement de l‘appartement, elle-même n’avait jamais proposé à personne, fille ou garçon, de dérouler son matelas dans sa chambre, qui était pourtant spacieuse et comportait deux fenêtres. Mais elle était la fille du propriétaire, et elle faisait déjà beaucoup pour eux, cela lui donnait quelques prérogatives.

Isabelle était pucelle, malgré ses vingt ans révolus. Ça la tourmentait un peu. C’était comme pour le haschisch, elle aurait bien voulu, mais elle ne savait pas s’y prendre. On aurait dit que chez elle, rien ne fonctionnait normalement. Elle avait pourtant côtoyé des garçons dans sa classe de terminale A du lycée mixte de Neufchâtel-en-Bray mais elle s‘en était tenue éloignée. Elle fuyait la compagnie les filles délurées, qui se maquillaient, se préoccupaient de la mode et qui enlevaient leur collant dès les premiers soleils pour exposer leurs jambes nues. Ces gens-là étaient tous « fans » comme ils disaient de « Salut les copains » une émission de radio pour débiles mentaux. Une fois, il y a deux ans, elle avait même été invitée à une boum par des gens de sa classe, cela avait été un vrai supplice. Ils semblaient tous terriblement à l’aise, et s’étaient immédiatement mis à danser le twist et le jerk, et d’autres choses tout aussi contorsionnées, se tortillant dans tous les sens d’une manière qu’elle trouvait totalement ridicule et même inconvenante… Ce genre de chose, elle l’avait vu à la télévision, et sa mémé avait prédit d’un air sentencieux : « Ils finiront par se désosser ». Jamais elle n’aurait cru que tous ces gens qu’elle voyait vivre au quotidien étaient capables de se comporter ainsi. Ils fumaient, buvaient, et la musique était si forte qu’on ne pouvait même pas se parler. Elle découvrait avec effarement tout ce qui la séparait de l’humanité ordinaire. Elle avait esquissé quelques pas de Madison qui lui paraissait plus convenable, puis, ne sachant plus que faire de son corps, avait fini près du buffet, seul endroit fréquentable, et s’était bourrée de cacahuètes. Comme pour la fac, elle s’était juré de ne plus remettre les pieds dans un tel lieu.

Une fois, pourtant, elle avait connu un émoi. C’était à la fête du village où vivait sa grand-mère. Chantal et Martine, ses cousines de la campagne, l’avaient convaincue de les accompagner au bal. Elle avait mis une belle robe en vichy bleu et blanc et sa tante lui avait même mis du rouge à lèvres et du vernis à ongles. Un orchestre d’accordéon enchaînait les valses, les bossas-novas et les danses modernes. Il en fallait pour tous les goûts. Elles avaient commencé par s’asseoir à une table devant des diabolos menthe, en zieutant les garçons qui s’enfilaient des bières, accoudés au comptoir. Elles avaient fait tapisserie un petit moment en prenant des pauses et en feignant de se raconter des choses très importantes ou très drôles. De temps en temps, un des gars s’approchait et invitait l’une ou l’autre. Ses cousines connaissaient les usages, quand le type ne leur plaisait pas, elles disaient : « Non merci, aujourd’hui je ne danse pas, ou bien je suis fatiguée, ou bien j’ai mal aux pieds… », mais elles avaient fini par trouver chacune des cavaliers adéquats. Isabelle, c’était plus simple, elle répondait qu’elle ne savait pas danser, ce qui était complètement vrai.

De temps en temps, Martine revenait s’asseoir deux minutes, tout essoufflée, et la tannait pour qu’elle aille danser, mais elle résistait, en se disant que ce n’était pas son genre d’aller se coller à ces types suants qui avaient l’air de ploucs. Elle répondait à sa cousine qu’elle était « indisposée ». Ce truc-là marchait toujours, elle l’avait souvent utilisé, en gym, par exemple ou pour ne pas aller à la piscine. On ne posait pas trop de questions sur cette « indisposition » qui relevait de l’intimité absolue, du dernier repli. Du coup, elle s’était retrouvée toute seule à sa table, devant son verre vide, et avait commencé à se sentir très mal.

Une heure plus tard, alors qu’elle était au bord de la fuite, un beau brun s’était approché, elle avait dit très vite : « Je ne sais pas danser », alors il était retourné au bar et en avait rapporté deux verres de grenadine. Elle lui en avait été immensément reconnaissante et avait même souri. Ensuite ils avaient discuté. Discuter, elle aimait bien, elle avait des idées, et le garçon était joli. Il s’appelait Enrico, ses parents étaient espagnols. Inspirée, elle avait questionné « Républicains espagnols ? », et c’était le cas. Le père d’Enrico était devenu ouvrier agricole, et lui, il était rentré à la fromagerie du coin. Il avait quatre frères et sœurs, ils étaient pauvres et dignes. Le papa d’Isabelle admirait beaucoup les républicains espagnols, elle se sentit bien. L’heure s’avançait et l’orchestre s’était mis à jouer des slows, Enrico lui avait proposé de danser, en disant que, pour ça, il n’y avait pas besoin de savoir. L’orchestre entamait « Non ho l’eta », le grand succès de Gigliola Cinquetti qu’elle adorait. Enrico avait serré Isabelle contre lui, et elle lui avait noué les bras autour du cou, tandis que le chanteur entonnait : « Non ho l’eta per amarti, se tu vorai, se tu vorai, aspetarmi… ». C’était très agréable.

Au bout d’un moment, ils étaient sortis de la salle de bal, et, au mépris des recommandations de sa tante, elle l’avait suivi dans sa voiture. Là ils s’étaient embrassés sur la bouche, il lui avait caressé les seins à travers le tissu vichy, et même passé ses mains sous sa robe jusque très haut. Elle y avait pris plaisir, et avait même ressenti comme un élan, une force, qui la poussait vers lui, et sa main à elle s’était aventurée sous la chemise du garçon, au contact de la peau, et promenée sur sa poitrine et sur son ventre. Mais tout à coup, elle avait senti sa culotte toute mouillée, comme quand elle avait ses règles, ça l’avait effrayée, était-il possible qu’elle soit vraiment « indisposée » ? Heureusement, à ce moment-là, Enrico était sorti de la voiture en disant « je reviens tout de suite », il s’était éloigné quelques instants, elle n’avait pas compris pourquoi. Elle en avait profité pour s’assurer qu’elle n’avait pas ses règles. En revenant à la voiture, Enrico était moins pressant, ils avaient parlé à nouveau, il lui avait dit qu’elle était jolie et qu’il habitait à Forges-les-eaux.

La rentrée était arrivée et elle n’avait jamais revu Enrico. Elle avait pensé à lui pendant des mois, elle lui avait même écrit des vers, et chaque fois qu’elle entendait le nom de Forges-les-eaux, son cœur faisait un bond.

Après qu’Annie l’eut plantée là pour aller voir son Alexis, Isabelle se mit à penser à Enrico. Les garçons étaient des êtres pleins de mystère pour elle, et quelque chose lui disait qu’avec cette affaire d’Alexis, elle allait en apprendre un rayon sur la question. Vers dix-sept heures elle commença à s’impatienter, à guetter le retour d’Annie. Malgré le froid, elle s’accouda même à la fenêtre pour scruter la rue du champ des oiseaux. La nuit tombait quand elle reconnut les grands plis de la jupe violette qui dansaient dans le vent. Annie avait sur le dos quelque chose de nouveau, un manteau blanc avec des sortes de franges qui dépassaient au bout des manches et en bas.​​​​​​​   A suivre !

Le thème

Isa et Annie, sa colocataire, traînent leur spleen sur le campus de Mont-Saint-Aignan. Un jour arrive Alex, routard de charme. Il s'installe avec elles, dans une mansarde de la rue du champ des oiseaux et met du piment dans leur vie. Le trio s'organise, rêve d'évasions, d'horizons lointains, de bonne vie, mais l'argent manque et, pour ces trois-là, adolescents attardés, le travail n'est pas une option. Ils vivent médiocrement de menus larcins jusqu'au jour où Annie a une idée géniale… Mauvaise pioche !

    Et la vraie vie les rattrape…

La ville de Rouen et les années 70 sont le cadre de cette histoire de jeunes adultes immatures.

Un avis de lecteur (Chromax sur Amazon)

"On croise parfois la liberté que l'on recherche sous les traits d'une passante, par hasard...La plume de Jo Frehel se reconnaît dans la narration, c'est une évidence. L'auteure du magistral roman d'aventures "Sur la route de Batavia", livre ici à mon humble avis, un opus de sa jeunesse à travers un des personnages principaux, en pleine période des 70 's. De la libération sexuelle pseudo-thérapeutique à la pilule contraceptive, des effets "stone" à la moumoute afghane ou encore d'écorchures en trahisons, ce livre remarquablement écrit, structuré par des flashbacks rapprochés est un passeport pour cette liberté propre au cœur des hommes. Bravo !"

Ebook Kindle : 2,99 euros

Tag(s) : #Romans de Jo Frehel
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