Je viens de refermer ce livre magnifique, publié en 2008, d'un auteur indien surdoué. Le héros est un dalith (un intouchable) de l'Inde rurale qu'il appelle « Les ténèbres ». Le roman raconte son parcours pour se hisser dans la hiérarchie sociale de l'Inde au prix de plusieurs compromissions. Il paiera le prix fort pour s'arracher à la malédiction des humbles, esclaves des nantis, mais on comprend que l'affranchissement dans pareilles conditions, ne se fait qu'en laissant tout derrière soi.
Ce roman est aussi l'occasion de démonter le système Indien : castes, administration gangrenée jusqu'à la moelle, frustration sexuelle, et plus encore de faire comprendre comment des millénaires d'assujettissement ont conditionné les intouchables à le rester : être esclave est un destin, c'est le dharma, cet ordre qui régit la pensée Hindoue et ne souffre nulle remise en question, même et surtout chez ceux qui en sont victimes. C'est une véritable étude psychologique de la mentalité victimaire.
Derrière le paravent d'une réussite économique hors pair, la maison Inde se fissure, rongée par la corruption, le système oppressif des castes, l'absence de compassion, les dots, toutes choses illégales mais bien vivantes, qui laissent dans le pire dénuement des millions de gens.
Un texte sans concession, un affranchissement total !
Extrait
« Je suppose, votre excellence, que moi aussi je devrais commencer par embrasser le cul d’un dieu quelconque. Mais lequel ? Le choix est vaste. Les musulmans ont un dieu. Les chrétiens en ont trois. Nous, les hindous, trente-six millions. Soit un total de trente-six millions et quatre culs divins parmi lesquels choisir. (…) Ces dieux, il faut bien l’admettre, semblent accomplir peu de choses - comme la plupart de nos politiciens - pourtant ils continuent d’obtenir leur réélection sur les leurs trônes dorés, au paradis, année après année. »